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Le peuplement de la région de Bouisse

L’occupation ancienne

La région de Bouisse fut occupée dès la période préhistorique, le dolmen du clot de l’hoste au sud-ouest de la commune, la grotte de la Caune ouverte sur le versant calcaire de la vallée de l'Orbieu, des tessons de poterie datant de la période dite de « la Graufesenque », en sont le témoignage.

Après les grandes invasions, la reconquête du sol s'est réalisée à partir des dixième et onzième siècles. Dans les Corbières, l'Eglise a joué un rôle déterminant dans la remise en culture des terres abandonnées en période d'insécurité. Les abbayes de Lagrasse et de St Hilaire, l’ordre du Temple sont à l'origine de fondations de "villa" ou de "casals" sur l'actuel territoire communal.

L'abbaye de St Hilaire possédait une "villa asenaria" dans les hautes Corbières. Il faut la situer à proximité du "rèc d'ase", à l'extrémité sud-ouest de la paroisse de Bouisse à ses limites avec Arques et Valmigère. Le compoix de 1748 décrit plusieurs parcelles au lieu dit "à la gleize d'ase ». Dans les environs, le même document situe, un "clot das morts", un "camp de la canongée" et parle d'un ruisseau dit de la "Moustière", tous ces toponymes se réfèrent à une installation religieuse, probablement celle de la "villa asenaria" affectée à l'élevage des ânes. Son souvenir perdure à travers le toponyme actuel de "Rec d'Ase".

Le nom de Salagriffe apparaît pour la première fois dans un document de 1186 à propos d'une commanderie de l'ordre du Temple. Plusieurs toponymes relevés dans les vieux compoix et dont certains se sont maintenus jusqu'à présent désignent des lieux à vocation religieuse tels : "l'espinassière de la Mourgue", le mot "mourgue" désignant aussi bien le moine, que la nonne ou encore le bâtiment qu'ils occupaient. La "capélanièr", ou résidence du chapitre. La "glèisa", se dressait sur la rive droite du Lauquet face au hameau. À proximité, le "cementerry" et le "clot das morts" occupaient en partie la combe de Fontbonne, au pied du "sarrat de Sant Jaume".

Ome de piera

Le nom de Bouisse est cité, pour la première fois, dans un document de la fin du IXe siècle, formé sur le mot "buxus" il signalait l'abondance du buis.

Au XVIe siècle, le village regroupe quelques maisons autour d'un donjon seigneurial fortifié, auprès duquel se dressait l'église, à l'extrémité sud de la colline dite du « Cayrat ». Le texte d’un jugement rendu par la Cour des Aydes de Montpellier en 1734 permet de situer sans équivoque l’édifice religieux, et le cimetière sous l’aile ouest du château actuel.

L'abbaye de Lagrasse est à l'origine d'une fondation à Cazaupié, devenu par la suite Font de Razouls. Elle possédait aussi un bien appelé Ourière dont l'église était probablement l'actuelle chapelle de Saint Pancrace. Il semble que ce fief fut partagé, à la suite de la croisade contre les Albigeois, entre les seigneurs de Lanet et de Bouisse. La portion qui revint au seigneur de Bouisse reçut - on ne sait quand - le nom de Saint Pancrace, celle qui échut au seigneur de Lanet conserva le nom originel, attribué de nos jour, encore, à un tènement cadastral

Reconquête de l’espace à l’époque moderne (1550 /1700)

La guerre franco-espagnole des 15ème et 16ème siècles eut des conséquences économiques et démographiques dans les régions frontalières, les hautes Corbières furent particulièrement éprouvées. Les guerres de Religion touchèrent le secteur. Enfin la peste connut des périodes de recrudescence. Les populations payèrent chaque fois un lourd tribut.

Il s'ensuivit une diminution de population et une occupation plus lâche de l'espace. Mais, avant même le milieu du 16e siècle, des sources diverses font apparaître un renouveau démographique à l’origine d’une reconquête de l'espace associée à la culture et l'élevage.

Nous disposons de renseignements suffisants pour évoquer sommairement le bourg de Bouisse, peu avant le milieu du XVIe siècle.

Chapelle Saint Pancrace

C'est un village dont les maisons sont rassemblées au pied d’une tour, avec son église et son cimetière, le tout protégé par un mur, sorte de rempart et un fossé. La campagne est déserte sur l'ensemble du territoire ; hors le village, les recherches diocésaines de 1538 ne mentionnent qu'un casal et quatre bergeries. Lorsque un peu plus tard arriveront de nouveaux habitants, faute de place dans l'enceinte protégée, ils s'installeront au barri, le faubourg sous le mur du côté du Midi. Quelques documents du milieu du XVIe siècle peuvent être interprétés comme des indices certains d'une reconquête de l'espace. "Le 11 février 1555 Jehan Casso vieux de boysse, reconnait et assigne sur ses biens dix livres et particulièrement sur un moulin que le seigneur lui a donné à nouvel achept sur la ribière de St Pancrace a cause que pour y celui édiffier lesd mariés ont vendu le jour présent un de leurs champs"*. Là où dix sept ans plus tôt, d'après le cahier des Recherches, Pech Jean n'avait qu'une bergerie ruinée, le dénommé Casso aidé de son fils, ils sont maçons, vont construire un moulin. C'est bien la preuve d'un nouveau départ, les maçons sont à l'oeuvre aidés des "peyriers", tailleurs de pierre, tel Pierre Rebiere "peyrier" de Bouisse témoin dans un acte retenu par maître Graffanh en 1555. Si l'on élève des moulins c'est que les champs se couvrent de céréales, et que des défrichements ont lieu. L'exemple suivant est daté du 23/01/1556. Ce jour là "Anthoine Maury vend à sire G. Maury les fruits et enfruits d'une pièce de terre sise à Boysse nommée la débèse de la benne de 7 séterées de contenance pour dix ans à partir du premier avril prochain et pour 5 Livres soit dix souls par an. Il a reçu cette somme, les tailles et censives resteront à sa charge. Le preneur devra faire "escotiber et trayre toutes les mathes et buyssons estans a lad debese mais il n'est pas tenu de faire ce travail sur le bord du ravin ... a la riba quest debers l'escorjat". Ce champ se situe vers le couchant, à moins de dix minutes du bourg. Un espace réservé jusqu'alors au parcours des troupeaux, va subir les préparatifs nécessaires pour recevoir des cultures.

Nous voyons arriver des hôtes, des artisans. Le vingt et un août 1555 "Pierre de Voysins donne à nouvel achept a Me Jehan Debese, fabre [forgeron] natif de Fontrouge près d'Eychalabre, (Chalabre) demeurant pour lors à Bouisse, un cazal pour y édifier une maison; il lui donne aussi au même titre un jardin, à la font...".

Pierre de Voisin ou Loyse d'Abban, son épouse, concèdent au milieu du XVIe siècle d'importants lots de terres de leur seigneurie aux paysans nouveaux venus. Le premier septembre 1569 damoiselle Louise d'Abban Seigneuresse de Boysse donne à nouvel achept à un certain Rey greffier à Boysse 10 séterées de terre situées au Plan de Landés, à proximité de la seigneurie d'Albières. Il pourra édifier une maison pour laquelle il paiera six gélines et huit cartières rases d'avoine. Sur les terres qu'il cultivera il devra acquitter l'agrier unzième. Pour ce qui est de l'élevage il pourra utiliser les vacants seigneuriaux après avoir versé au seigneur la somme de 15 sols pour 100 bêtes à laine, chaque bovin paiera deux sols, s'il possède des chevaux il sera tenu de faire trois jours de corvée avec les bêtes s'il n'en a point il versera au seigneur le prix de trois journées d'homme.

*renseignements extraits des notes du Dr Cayla qui au milieu du siècle dernier a pu consulter les registres notariaux du notaire Grafan de Villerouge

L'occupation du terroir de Bouisse

C'est au cours de la seconde moitié du XVIe siècle que de nouveaux venus s’installent dans les régions sud et sud-ouest de la paroisse de Bouisse. Ainsi le 24 août 1569, l'enregistrement du "testament de Barthélémy Provensol habitant de Notre dame d'Orière près St Prancard au terroir de Boysse" permet de fixer vers le milieu du XVIe siècle, avec une précision satisfaisante, l'installation à St Pancrace, de cette famille dont le nom n'apparaît pas dans les Recherches de 1538. Son patronyme fournit une indication sur l’origine de la famille. A la même époque on rencontre dans les Hautes Corbières des anthroponymes de même type formés sur un nom de province ou de région : Les Alverny sont à Cubières, les Bascou, Limousi, Gimat à Auriac, les Barbazan, les Loumagne, Peitavi ailleurs.

Vers 1650, dès l'acquisition de la baronnie, les Moussoulens, désirant agrandir le château, ont fait raser les maisons et édifices se trouvant à l'intérieur de l'espace protégé par le mur. Les habitants ont été contraints de s'installer sous le rempart dans l'ancien faubourg.

À ce moment-là, l'occupation est nettement plus dense sur les terres formant le terroir du bourg, où elle a atteint ses limites, alors que vers la périphérie elle se poursuit.

Quatre vingt cinq chefs de famille possèdent des biens situés proches du bourg, parmi eux soixante et quinze sont à la tête d'une exploitation agricole. Soixante et quinze familles sont installées dans les écarts.

Au cours de cette reconquête de l'espace les habitants de Bouisse ont remis en culture les espaces relativement proches du village mais jusqu'alors réservés aux parcours des troupeaux. Leurs réhabilitations dues aux familles Maury, Pech et Roques ont rarement dépassé les limites des terroirs de Font de Razouls et de St Pancrace. Ils ont pour voisins des « hôtes » c'est-à-dire des paysans venus d'ailleurs. L'un d’eux Guilhem Chamma, « hoste » originaire de Palairac est certainement le fondateur de la ferme dite du "clot de l’hoste", des actes attestent sa présence dans le secteur au milieu du XVIe siècle.

Vers le nord la colonisation est surtout l'affaire des familles Cantié. Leur installation à Salagriffe pourrait remonter à la fin du XVIe siècle. Laurens Cantié figure sur le compoix de La Caunette sur Lauquet en 1603. Un siècle plus tôt, un document signale que le hameau est inhabitable c'est-à-dire désert.

À l'ouest du "Camin Grand" sur un vaste secteur de la paroisse, la mise en valeur fut essentiellement le fait de nouveaux venus, appartenant aux familles Barbaza, et Delbourg présents vers 1550. Plusieurs fermes sont dues à l’initiative des Barbaza, le "Caïtiu", et les Grouilhets (actuellement le Franciman) sont sur le terroir de Bouisse tandis que le « Ferrié », à proximité d'une zone riche en minerai de fer est sur le terroir d'Arques. Avant 1700, Gilles (Gèli en occitan) Delbourg bâtira une ferme dans un vallon situé entre les hameaux du Franciman et de Font de Razouls, elle recevra par la suite le nom de ferme des « Gélis », elle est toujours occupée par la famille Delbourg. Certaines fondations seront éphémères, c'est le cas de la ferme d'un certain Beute (beoute) qui ne restera qu'une décennie ou deux sur le terroir de Bouisse mais dont le souvenir perdure à travers le toponyme as Boutés, lieu-dit situé dans une combe entre Ravaille et le Franciman.

Vers la même époque, une branche de la famille Cros dont les ancêtres étaient déjà présents au village s'installa à Ravaille dont le nom pourrait dériver d'un colon qui ne resta guère de temps sur place.

De tout ce qui précède nous pouvons dire que la population de Bouisse a reçu un sérieux renfort au cours des 16e et 17e siècles, c’est alors que l’espace paroissial a connu une pleine occupation. Cette situation n’a jamais eu un caractère définitif, des fluctuations l’ont affectée au cours des périodes suivantes.

Articles annexes

Activités verrières dans les Hautes Corbières du XVIe au XVIIIe siècle

Moulins et Meuniers

Santé et Médecine

Religion

Transcription actes notariés

Documents divers